Emménagement d'Hydrangea

Vigne-d’or slalomait péniblement entre les immenses troncs qui lui couvraient la vue. A mesure qu’elle avançait, le sol se faisait plus mou et collant encore. Ajouter à cela l’absence totale de fruits et la mine revêche de la jeune lutine vous paraîtra parfaitement justifiée.
Il ne restait que le souvenir de leurs chaires juteuses et de leurs parfums suaves pour mettre de l’entrain dans son pas.
La lumière blafarde que les hautes ramures des arbres filtraient créait une atmosphère fraîche que la jeune lutine n’appréciait pas. L’image des bois ensoleillés de ChanteBrindille lui était bien plus familière.
Alors qu’elle contournait un tronc à l’écorce sirupeuse, une silhouette de dos lui apparut. Il s’agissait d’un lutin vêtu de vert s’affairant près d’un grand arbre.
Vigne-d’or et son naturel farceur envisagèrent aussitôt une blague dont cette victime pourrait se souvenir jusqu’à ce que les ravages de l’âge affectent sa mémoire. Ainsi donc, la petite faereen grimpa habilement le long du tronc qui la dissimulait après s’être emparé d’une feuille. Son ascension fut amplement facilitée par la résine qui suintait sur l’écorce et lorsqu’elle parvint à l’anfractuosité du bois qu’elle visait, elle était à peine essoufflée. Confortablement nichée dans le creux, elle sortit de sous sa tunique un pot de gelée rouge et y plongea une main. Puis, avec regret, elle lança adroitement la mixture vers l’inconnu. Un sourire étira sa bouche lorsque la confiture tomba sur la tête de sa cible. Sans plus attendre, elle se plaqua contre le tronc et saisit la feuille qu’elle avait ramassée. Elle l’enroula afin d’en faire un porte-voix et murmura d’une voix empruntée aux esprits qui parsemait les contes pour petits lutins :

«Arrête-toi, lutin !
Tu pilles mon temps,
Meurs, lutin,
Tu irrites Cyanure le violent,
Sois maudit, lutin,
Je suis le seigneur tout puissant »

Elle interrompit son discours pour ne pas éclater de rire et se colla contre l’écorce afin de ne pas être vu.

En voyant que sa farce se déroulait comme prévu, Vigne-d'or éclata de rire. Ne manquant pas de se féliciter, elle consentit à éclairer sa pauvre victime en déroute et se laissa glisser le long de l'écorce pour retomber brutalement contre le sol spongieux.
Vigne-d'or observa l'inconnu de dos. Il semblait très indécis et la lutine ne put s'empêcher de songer à une autre facétie mais, alors qu'elle s'apprêtait à mettre en pratique une seconde farce, elle buta contre une grosse brindille et s'étala dans la boue collante et nauséabonde.

"Purée d'brindilles concassées au foie de furet ! Maudit soit le concepteur de ces infâmes bous d'bois avariés !"

La jeune lutine jura tout haut, se fichant bien de ce que l'inconnu pourrait en penser. Elle était certes honteuse mais surtout éprise d'une colère noire. Se relevant péniblement, elle constata que sa tenue était brunie par la boue et pesta plus fort encore. Il ne lui restait plus qu'à frotter vigoureusement jusqu'à ce que le plus gros des saletés daigne s'en aller, une perspective qui était loin de l'enchanter. Elle se mit cependant au travail, oubliant le lutin qu'elle avait piégé.

La lutine s'acharnait sur la boue qui alourdissait sa tenue lorsqu'elle reçut une charge de feuille sur l'épaule. Furibonde, elle leva les yeux vers la provenance du projectile et découvrit, à sa grande surprise, son agresseur déguerpissant à vive allure. Vigne-d'or pensa d'abord que ce drôle d'oiseau s'était vengé et que, craignant les représailles, il s'était immédiatement enfui mais cette hypothèse sonnait faux : A quelqu'un qui se joue de vous, on ne lance pas des feuilles, plus généralement des cailloux et ce, Vigne-d'or et ses nombreux bleus croyaient en savoir quelque chose. Plus intriguée que rageuse, la lutine oublia là son allure de terreur des marais et s'avança.
"De terreur des marais ?" La justification de l'étrange comportement de l'inconnu lui sembla tout à coup limpide et elle éclata de rire. Elle se vanta intérieurement d'avoir fait une blague involontaire.
Elle se pressa de retrouver le pauvre lutin qui avait déjà subit trop d'émotions et ce fut en renonçant à toutes blagues qu'elle appela :

"Hé Ho ! Hé Ho ! Tu es fort vexant, ami lutin ! Je ne suis pas "terreur des marais" bien que je puisse y ressembler. Si mon allure est si repoussante, clame-le clairement que oiseaux et crapauds l'entendent !"

Elle avança, ses chevilles nues enfoncées dans la boue, et scruta les alentours, en quête d'une réponse.

Vigne-d'or attendit quelques instants avant d'entendre une réponse bafouillée. Le lutin réapparut, essouflé. Il avait visiblement perdu sa crainte mais sa timidité demeurait et il ne s'était approché que de quelque pas. La jeune faereen savait pertinement qu'il avait de quoi être méfiant et, afin de consolider son apparence de jeune lutine innocente, pencha légerement la tête de côté, comme Potare le rouge-gorge savait si bien le faire lorsqu'il réclamait de l'hydromel. Elle ajouta à cela un sourire avenant.

"Te faire peur ? Ah ! Ah ! Me prendrais-tu pour un monstre, ami lutin ?"

Elle épousseta machinalement sa robe et redressa son chapeau.

"Détrompe-toi, mon nom est Vigne-d'or, fille de Mulet et de Nectarine, cueilleuse de fruits émerite, farceuse à mes temps perdus ... Qu'en est-il de toi, ami lutin ?"

Vigne-d'or était intriguée par ce personnage timide, seul dans les bois.

Vigne-d'or dut attendre un certain temps avant d'entendre une brève réponse de la part de son interlocuteur. La timidité et la méfiance de ce lutin lui étaient étrangères, ceux qu'elle fréquentait étaient fortement extravertis et s'adressait la parole avec beaucoup d'aisance. Elle l'observa avec curiosité alors qu'il prononçait quelques mots. Des mots qui semblaient sortir de sa gorge avec peine. La lutine se tut un court instant puis, sans doute dans le but de briser le lourd silence qui s'installait peu à peu, clama tout haut :

" Grand-mère Vigne-Grêle disait "Pot de suave gelée, rencontre bien fêtée.", fêtons donc cette fortuite rencontre, ami Hydrangea !"

Et elle sortit précipitamment son pot de gelée rouge de sa poche, le contemplant avidement.

[Désolé pour le temps ... quelques difficultés de connection ]

Vigne-d'or trouva la perspective d'un abri fortement encourageante. Bien que la gelée rouge suffisait à faire son bonheur, un parterre sec et confortable était toujours le bienvenu. Ce fut donc avec entrain que la lutine s'engagea à la suite d'Hydrangea. Elle chantonna quelques vers que Nectarine lui avait appris autrefois et s'engagea dans la demeure de sa nouvelle connaissance. L'intérieur était accueillant, aussi, elle ne se fit pas prier lorsqu'on lui proposa de s'installer. La lutine s'assit donc rapidement.
Si elle était de nature sociale et avait une claire aisance pour nouer des relations, il semblait que cet autre lutin avait quelques difficultés à ce sujet. En triturant nerveusement le pot de gelée, elle songea que cela était chose rare chez les lutins. Aussi, elle le regarda avec curiosité quand il déboula, les gobelets à la main. Vigne-d'or lui décocha un sourire.

"D'où nous viens-tu ami lutin ?"

[ Pas de problème !! Heureux de pouvoir te relire ]

Il entrèrent donc dans la nouvelle maison d'Hydrangea et aussitôt, Vigne-d'or s'installa.

Il se dirigea dans la cuisine, où un tas de choses étaient encore empilées. En effet, seule la chambre d'accueil était aménagée jusqu'à maintenant..

"Excuse-moi.. Je viens d'emménager, et tout n'est pas encore rangé. Il faut que je cherche un peu.."

Il reparti la tête la première dans tout son bric-à-brac et en ressorti soudain une petite caisse. Celle-ci contenait des gobelets en terre cuite avec, chacun, un dessin d'une fleur ou d'une feuille. Il en prit deux et les ramena à table. C'est là que Vigne-d'or lui demanda d'où il venait. Il repartit dans la cuisine et ramena du Breuvage de Maranthe, qui est une boisson exotique non alcolisée. Il servit son invitée et s'assit..

"Je viens des collines situées dans la Forêt des Nuages.. Je ne connais pratiquement rien de cette région car je sortait très peu de chez moi, je travaillais beaucoup avec mon père alentours de la maison et le seul trajet que je faisait était celui qui me menait au marché. Je suis venu ici pour connaître l'amitié et l'amour, peut-être.. Et toi ? D'ou viens-tu ? Que faisais-tu dans un endroit si isolé de la région ?"

Vigne-d'or regarda avec envie la boisson s'écouler dans son gobelet. Elle arqua un sourcil au nom de forêt des nuages. Cette région lui était absolument inconnue et elle se mit en tête de jeter un coup d'oeil sur sa carte de Faery, un peu plus tard.
Elle avala une gorgée de breuvage de Maranthe avant de répondre.

"Je viens de Figue-Lune, près des rives de la Frangipane. Je vais sans trop de but et seul le parfum sucré des plus belles baies ainsi que l'odeur attrayante de l'aventure guident mes pas."

Elle aspira goulument le délicieux liquide et reposa son gobelet.

"Tu sembles aimer la solitude, ami lutin ! Ne crains-tu pas de t'ennuyer loin de toute population ?"

[Ah ben là, le moins que l'on puisse dire c'est que je t'ai fait attendre ! Je suis vraiment désolée. Mon ordi me boude ces derniers temps :'(]

La lutine avala le contenu de son gobelet d'un trait et savoura le parfum sucré sur sa langue. La réponse d'Hydrangea l'ayant laissée un instant pensive, elle se leva d'un bond et brandit son verre.

"Il n'est jamais trop tard pour connaître l'amitié, ami Hydrangea ! Le vent me porte et je ne m'attarderais pas longtemps ici mais le destin ne nous a pas réunis autour d'un pot de gelée pour rien !"

Vigne-d'or avait toujours eut foie en l'amitié et malgré son attirance excessive pour la gelée rouge, elle tendit le pot à ce nouvel ami qui lui semblait si loin et si étrange.
Le lutin avait visiblement éveillé la vibrante curiosité de la jeune faereen qui le dévisageait sans trop de discrétion. Elle songeait vaguement que la nuit allait tomber et qu'elle ferait mieux d'interrompre là son voyage pour le reprendre le lendemain. Elle ne s'embarrassait pas vraiment des règles de bienséance sur lesquels reposait la société faereen et ne craignait en rien d'abuser de l'hospitalité d'Hydrangea.

Vigne-d'or se réjouit de voir la liqueur se verser dans son gobelet. La douce odeur qui s'en émanait lui donnait un véritable aplomb et elle déclara non sans malice un joyeux "Mais c'est ce que je comptais, cher ami" lorsque Hydrangea lui formula sa réponse. Et quand ce dernier lui posa une question elle ne perdit pas patience comme habituellement.
D'ordinaire, la lutine se renfrognait quand on cherchait à en savoir plus sur elle. Elle aspirait à garder cette part bien à elle qui la rendait si imprévisible et mystérieuse. Cependant, ce soir les verres étaient remplis à souhait et la compagnie d'Hydrangea était loin d'être incommodante. Elle se hasarda à lui parler de son désir de mouvement et de découverte.

"..Le monde est bien trop grand et trop splendide pour que l'on reste à contempler nos chaussons ! Je voyage essentiellement pour chasser l'ennui, pour découvrir et pour vivre pleinement."

Elle laissa aller son regard sur les remous du breuvage qui s'animait dans son gobelet et se dit que ce n'était pas ainsi qu'elle voudrait vivre, prisonnière des parois de terre cuite, tournant inlassablement en rond. Rien ne l'attirait plus que la course effrénée d'un torrent. Elle était ainsi et pas autrement.

"Je ne sais pas vraiment où aller. On m'a vanté la beauté du désert de perle où j'aurais, paraît-il, quelques lointains parents. C'est pour l'instant ma seule destination fixe mais comme je disais tout à l'heure, le vent me porte où bon me semble."

Vigne-d'or devinait l'obscurité éminente. Elle laissa échapper un soupir de bien être et but une gorgée du breuvage.

"Mais aussi loin que me porteront mes pas, je serais toujours rattachée aux bonnes vielles rives de la Frangipane."

La lutine songea un instant que c'était l'instant rêvé pour entamer une chanson sur les terres de son enfance mais elle n'avait pas pour coutume de se lancer dans ce genre de récit poétique. Elle préférait les comptines malicieuses et rigolotes qu'elle chantonnait quand lui venait une farce à l'esprit. Elle laissa ainsi le silence s'installer quelques secondes, fit promener son regard sur l'intérieur fraichement emménagé de son nouvel ami et s'attarda sur ce dernier. Elle le connaissait à peine mais éprouvait déjà un certain attachement en sa personne. C'était surprenant.

"Je reviendrais te conter mes aventures lorsque viendra l'heure de mon retour."

Voilà bien longtemps que Dùm volait au dessus de tout ce petit monde. Emmitouflée dans son plumage multicolore de rouge-gorge. Néanmoins, ses plumes ne suffisaient pas à la couvrir du froid glaçant qui possédait les vents, Dùm s'était couverte d'une petite cape qu'elle avait elle-même confectionnée. Ainsi elle virevoltait autour des arbres qui régnaient dans le sous-bois gluant. Comme à son habitude, Dùm était à la recherche de quelque noble personnage qui voudrait de ses vêtements.
Soudain, elle aperçut au loin un gigantesque arbre, ce devait être le roi de tous les arbres présents au royaume des arbres. *Bien le bonjour, Sa Majesté des Arbre, il fait froid ce soir, vous devriez revêtir vos feuilles*, pensa-t-elle.
En observant ce grand arbre, elle remarqua deux petits êtres à son pied qui étaient probablement des lutins.
Elle vola vers eux, toute contente de voir enfin des gens, elle en oublia sa fabuleuse rencontre avec le roi des Arbres.
Les deux petits lutins discutaillaient en grignotant de la gelée et buvaient...une boisson qui paraissait fort délicieuse !
Dùm s'approcha d'eux délicatement et se posa sur la table.

-Cui-cui, dit-elle en regardant le petit lutin avec des yeux effarés.