Et elle attendit...

Chante-Bruine avait décidé d'être assidue dans son travail pour une fois. Son maître lui avait demandé de ramener des groseilles bien mûres et elle était partie en quérir. Son petit panier d'osier tressé sous le bras, elle était partie à la recherche des précieux fruits rouges. Elle avait commencé par être très concentrée dans sa mission et s'était focalisée dessus l'espace de... une demie minute... Et puis son attitude folâtre avait pris le dessus et elle était partie plus avant dans les forêts cristallines, s'éloignant de plus en plus de Finemousse. Mais insouciante qu'elle était, elle ne s'en était pas rendue compte.

Elle avait ramassé nombre de baies en chemin et tandis que son panier était toujours désespérement vide, son ventre, lui, était bien plein. A chaque nouvelle découverte d'une nouvelle baie bien mûre, elle s'était aventurée plus avant, ne prenant plus garde aux alentours. C'est ainsi qu'elle s'était retrouvée au beau milieu de la clairière. Elle entendait quelques chuchotements autour d'elle mais ne sembla pas s'en formaliser. Elle était plutôt fâchée de ne plus rien trouver à manger.

Elle s'apprêtait à faire demi tour lorsqu'elle se rendit compte... qu'elle ne savait plus par où elle était venue. Elle se mit alors à tourner autour de la clairière, cherchant en vain le chemin du retour.

* C'est par là ! * se disait-elle. * Je me souviens de ce gros rocher moussu ! *

Et puis après réfléxion :

* Ou bien c'était cet arbre couvert de lierre que j'ai vu... non un gros champignon ! Une grosse langue de boeuf, c'est ça que j'ai vu ! *

Elle tournait et virait en tous sens, à en donner mal au coeur les créatures suceptibles de l'observer. Il se faisait de plus en plus clair qu'elle ne connaissait pas le chemin du retour. Mais loin de paniquer, elle resta très calme. Elle poussa un petit soupir en afaissant les épaules.

* Bon bah je vais m'assoir ici, sur ce caillou plein de mousse... quelqu'un finira bien par me retrouver... *

Et elle attendit...

La journée avait déja été longue pour Reflet-de-Lune. Il était parti aux premières lueurs du jour pour remplir son outre de rosée, et ne reprenait qu'à cette heure le chemin de Sylvebrise. Le temps était froid et sec, et la plupart de ses points de récolte favoris avaient gelé. Seuls ceux qui étaient exposés à un peu de soleil lui avaient donné ce qu'il était venu chercher, et l'outre qui pendait à son flanc n'était en réalité remplie que de moitié. C'était une bien maigre journée, et la fée mâle espérait vivement qu'on lui donnerait quelque chose à manger en l'échange d'un gobelet de ce précieux et rare liquide. L'hiver n'était pas une saison clémente pour les récolteurs de rosée, et un simple regard à la fée de Lune suffisait pour le deviner.

Au détour d'un gros arbre, il déboucha sur un petit chaos de roches moussues qu'il connaissait pour s'y être reposé à l'aller, non loin de la clairière des messes-basses. Là, sur la mousse blanchie par le givre, une fée était assise près d'un panier d'osier. Il vola jusqu'à sa hauteur et put entrevoir le fond de ce dernier. Pour elle non plus, la récolte n'avait pas du être bonne...

"Bonjour, Dame Dryade", lança-t-il depuis les airs où il s'était arrêté.
"Froide journée pour les récolteurs..."

Chante-Bruine balançait un peu ses petits pieds dans le vide, attendant toujours qu'on vienne la chercher. Elle attendait déjà depuis un bon moment lorsqu'une autre fée débarqua dans la clairière et se dirigea vers elle pour lui parler. Un grand sourire fendit son visage :

" C'est vrai, les bosquets de baies sont un peu dégarnis " répondit elle, l'air déçue.

Mais elle n'avait pas tilté que si Reflet-de-Lune lui avait dit ça, c'était à cause de son panier vide mais pas de son estomac qu'à demi-plein. Elle sauta à bas de son rocher moussu pour faire face à la fée mâle. Malgré son air de dééception à l'évocation des cueillettes assez pauvres ces temps-ci, elle retrouva bien vite son sourire et demanda :

" Vous aussi vous êtes perdu ? " demanda t elle d'un air candide.

" Je ne connais pas du tout cet endroit, je n'y ai jamais été, je ne peux jamais aller très loin vous savez. Ma mère a toujours peur que je me perde ou qu'il m'arrive quelque chose. Je crois que la mort de mon père lui reste à l'esprit et elle a peur qu'il m'arrive la même chose... Bon, c'est vrai que je suis perdu, mais vous êtes là, vous allez pouvoir m'aider à retrouver mon chemin ! "

Elle sembla enfin s'arrêter de parler. Elle avait dit ça sans presque respirer, d'une seule traite. Et de nouveau, elle se mit à l'observer avec un grand sourire presque niais.

" Vous vous appellez comment ? "

A la phrase que prononça la dryade, Reflet-de-Lune comprit qu'elle s'était égarée. Elle aurait put attendre bien longtemps, ainsi assise, car peu de gens passaient généralement par ce sentier. La plupart des voyageurs préféraient aller à découvert dans la clairière, et il était probable que la récolteuse aurait rencontré une averse de flocons avant de croiser un sauveteur si lui même n'avait pas détourné son chemin pour chercher les dernières traces de rosée dans le sous-bois.

"Je ne suis pas perdu, non..." répondit-il en toute honnêteté.
"La route de Sylvebrise est assez claire à mes yeux, à partir du rocher tête-de-fouine. Il faut traverser l'Obscurité et contourner les Sources Noires, mais on arrive sans mal à l'orée des Forêts Cristallines. Tout dépend de l'endroit où se trouve votre nid..."

A entendre ainsi parler la petite fée, Reflet-de-Lune comprit qu'elle devait être assez jeune pour être encore dans le giron maternel. A ses yeux, il n'était pas bien prudent de s'éloigner si loin dans le Bois des Murmures, surtout lorsqu'on était jeune et peu expérimenté. Fort heureusement, les vois étrange que l'on y entendait parfois ne semblait pas devoir se manifester à cette heure de la journée.

"Je suis Reflet-de-Lune", dit-il enfin.
"Fée de Lune, Fils de Puits-de-songe et Belle-de-nuit, enfant des Terres d'Ombres et vendeur de rosée itinérant".

" Moi je suis Chante-Bruine et euh... je suis une dryade, fille de Dur-Pin et Douce-Bise... et ma soeur s'appelle Rose-des-Vents ! " répondit gaiement la fée.

Elle semblait heureuse d'avoir ressorti tout son arbre généalogique. Elle aurait sans doute continué encore un bon moment comme ça, mais par bonheur, elle ne connaissait pas le nom de ses oncles, tantes, cousins, grands-parents et toute la clique.

Assez peu familière des relations sociales et de la façon de se comporter avec les gens - incluant la façon de se présenter - elle était extrêmement maladroite et répétait parfois aveuglément ce qu'elle voyait sans trop réfléchir.

" J'habite à Finemousse, mais je ne suis jamais venue par ici. Mais vous vous semblez très bien connaître le chemin... "

Elle fit de grands yeux admiratifs, comme si cela relevait de l'exploit de connaître son itinéraire. De son point de vue, oui, cela pouvait bel et bien paraître pour un exploit, elle-même n'y étant jamais parvenue. Mais en même temps, elle était loin d'être une référence...

" Je ne sais pas comment vous faîtes, moi je n'ai jamais su retrouver mon chemin... en dehors de Finemousse je veux dire... C'est pour ça que ma maman m'a donnée ça... "

Elle sortit de ses vêtements un petit morceau de feuille sur lequel était inscrit :

" Je m'appelle Chante-Bruine. Si vous me trouvez, c'est que je suis perdue.
Veuillez m'aider à retrouver mon chemin pour : ' L'Arbre à Fraises ', Finemousse. "

Chante-Bruine rayonnait, elle semblait fière de sa possession. En réalité, sa mère lui avait donné ce papier alors qu'elle n'était encore qu'une enfant-fée, toujours à vagabonder, et qu'elle avait tendance à échapper à la vigilance de ses parents. Mais la jeune fée ne l'avait jamais quitté, malgré qu'elle soit sensée avoir passé l'âge adulte.

Avec un air de conspiration, elle se pencha vers Reflet-de-Lune et lui glissa à voix basse :

" Il parait que la feuille est enchantée et que seules les personnes bien intentionnées peuvent la lire... "

Ce qui évidemment était... complétement faux...

A la vue de l'aspect foliacé des ailes de la fée rousse, Reflet-de-Lune n'avait pas hésité longtemps quant à son appartenance à la gent dryade. Chante-Bruine ? C'était là un nom joyeux et frais, à l'image de celle qui en portant les mots à chaque battement d'ailes. En général, les fées perdues étaient de fort mauvaise humeur et pestaient contre le mauvais sort. Le temps de ses réflexions, Reflet-de-Lune se retrouva à lire l'échantillon de feuille sur lequel les parents de Chante-Bruine avaient inscrit son adresse. L'arbre à Fraises ? Celà ne devait pas être si compliqué à trouver, une fois rendus à Finemousse. Un lieu où poussaient des fraises ne pouvait qu'être connu du plus grand nombre.

"Mes intentions doivent être bonnes, puisque je peux le lire", dit Reflet-de-Lune avec un sourire sur ses lèvres bleutées. Il ne remettait visiblement pas en doute l'aptitude des parents de la dryade à produire de tels enchantements. Celà n'était pas impossible, loin de là.

"Finemousse... C'est sur la route de Sylvebrise, où je rentre à présent. Si vous voulez vous joindre à moi pour reprendre le chemin des Forêts Cristallines, ce sera avec plaisir".

Voyager à deux était toujours plus agréable que d'avancer seul, au gré des gouttes de rosée. A cette heure de la journée, Reflet-de-Lune ne récolterait plus grand chose, c'était vraisemblable.

"Si nous nous mettons en route, nous pourrons dépasser l'obscurité avant midi. Au delà, nous risquons d'avoir affaire aux Murmures..."

Son intention n'était pas d'effrayer la petite fée. Lorsque l'on se rendait dans ces terres étranges, il fallait toujours garder à l'esprit l'éventualité d'une rencontre étrange ou de quelques bruits effrayants. Lorsque le soleil passait derrière les Monts d'Argent, à la mi-journée, ses sous-bois devenaient aussi obscurs qu'au cours d'une nuit sans Lune.

Chante-Bruine sembla rayonner à la proposition de Reflet-de-Lune. Elle agita ses ailes d'un air joyeux, un grand sourire aux lèvres.

" Oh oui oui oui oui oui ! J'adorerais rentrer avec vous ! " s'enthousiasma t elle.

Elle récupera son panier, qui contenait à peine quelques baies. Peut-être résisterait-elle à la tentation de les gober avant d'être arrivée à Finemousse. Elle sautilla un peu, l'air impatiente de se mettre en route. Elle n'avait cependant toujours pas percuté qu'elle aurait pu passer la nuit sur son caillou si Reflet-de-Lune n'était pas arrivé. Elle semblait s'en remettre à sa bonne étoile, comptant sur la chance pour la sortir de ses mauvais pas. Mais un jour, la Fortune finirait peut-être pas tourner...

Elle ne pensa pas un instant que sa mère puisse s'inquiéter. Elle n'avait pas vu le temps passer et n'avait aucune idée de l'estimation de son temps d'absence. Tout ceci était des détails futiles pour elle, elle profitait de la vie comme elle venait, sans se soucier du temps ou de la mauvaise fortune.

" Vous connaissez bien les terres de Faery ? Vous avez déjà été loin ? Moi je ne sors pas beaucoup, mais j'aimerai beaucoup connaître les chemins qui mènent partout ! J'aimerai visiter le plus d'endroits possibles ! Même les endroits où les gens ont peur d'aller... Ca doit être très intéressant ! "

Tandis qu'elle débitait à nouveau son flot de paroles, elle se mit doucement en route, balançant son panier de droite à gauche, faisant rouler les baies qui étaient au fond. Ses paroles étaient encore une preuve de son ignorance ; elle n'avait pas notion du danger, elle n'écoutait que son coeur et ses envies. Cela pouvait avoir son charme, mais cela passait surtout pour de l'inconscience.

L'enthousiasme de la petite fée fit naître un sourire heureux sur le visage de la fée de Lune. En règle générale, les dryades, les sylphes, les ondines et les feux follets étaient plus réservés vis à vis des fées lunaires, celles qui préféraient les sous-bois obscurs et la nuit tombée pour sortir de leurs nids. Visiblement, Chante-Bruine n'avait pas été éduquée en ce sens, et Reflet-de-Lune en fut heureux. Lui même avait pris l'habitude d'aller en plein jour, même s'il le faisait le plus souvent à couvert sous la canopée, pour se protéger des agression de l'astre du jour. Etre récolteur de rosée impliquait de venir cueillir chaque goutte brillante au levé du jour et au cours de la matinée, jusqu'à ce que le vent de midi finisse par en emporter les dernières bribes.

"Je ne suis jamais descendu dans dans terres plus septentrionales que celles du bois des murmures. Je ne connais pas la Forêt des Mirages, et j'aimerais réellement aller dans les Déserts de Perles..."

Comme de nombreux Faereens, Reflet-de-Lune éprouvait un immense attrait pour le voyage et la découverte de terres lointaines. Pour une fée de Lune, il n'était pas aisé de parcourir les déserts. Et pourtant, il rêvait de voir un jour la Plage des Perles Silencieuses.

"Il n'y a pas bien longtemps que j'ai quitté le foyer familial. J'essaye de manger à ma faim, pour le moment..."

C'était la vérité. Bien sur, Reflet-de-Lune savait ramasser sa pitence au bord des chemins. Mais il voulait pouvoir vivre de sa profession et être reconnu comme un bon abreuveur ambulant. Un jour, on échangerait des brioches contre un verre de sa rosée, il l'espérait plus que tout. Et si certains ne voulaient pas boire à l'outre d'une fée de Lune, ce serait sans importance...

Non, Reflet-de-Lune n'habitait plus chez ses parents. Chez les fées de Lune, il était particulièrement important de prendre son indépendance au lendemain même de la Nuit des Lumières. Emportant simplement l'outre donnée par son père, Reflet-de-Lune était devenu récolteur de rosée, du jour au lendemain, sans finalement savoir grand chose des sous-bois de Faery. En cette heure, il éprouvait quelques regrets lorsqu'il pensait à son ancien foyer. L'entrée dans la Grande Vie n'était pas forcément facile, surtout lorsqu'on était moins avenant qu'une jolie Dryade des mousses.

"Je me suis installé seul à Sylvebrise", répondit-il en toute honnêteté.
"Dans un abris de branches, entre deux échoppes. Ce n'est pas un véritable nid... Mais pour l'hiver, il m'offre au moins l'avantage d'avoir chaud".

A vrai dire, les première neiges avaient passablement changé la donne. Même contre le mur de l'échoppe tiède, Reflet-de-Lune trouvait le fond de l'air gelé, certains soirs. Il ne l'aurait jamais avoué, cependant.

Ce fut alors que Chante-Bruine demanda si elle pourrait l'accompagner, le jour où il partirait pour les Déserts de Perles. La jeune fée mâle tourna des yeux étonnés vers celle qui allait accompagner sa route. Elle ne savait rien de lui, mais osait demander une telle chose. Sa confiance était étonnante...

"Si..." commença-t-il sans trop savoir où trouver les mots.
"Si la compagner d'une fée de Lune ne vous rebute pas, ce sera avec plaisir".

H.J. : Pardon pour ce retard, Chante-Bruine... J'ai eu des difficultés ces deux dernières semaines.

L'étonnement dont Reflet-de-Lune avait pu un instant faire preuve s'était mué en un sourire agréable et heureux. Il avait bien souvent été chassé, même par d'autres fées, et avait appris à vivre avec le poids que lui conférait le simple fait d'être né parmi les fées de Lune. Ce n'avait été qu'à son départ des Terres d'Ombre qu'il avait découvert la réalité de ce monde. Bien sur, ses parents l'avaient mis en garde, mais la réalité n'est jamais aussi palpable que lorsqu'on y est directement confronté.

La fée mâle regarda sa compagne de route improvisée avec bienveillance. Déja, ils commençaient à s'éloigner du coeur de la clairière, et la route se faisait moins accueillante.

"Je ne saurais rester encore bien longtemps à Sylvebrise", dit-il en montrant par cet aveu qu'il y avait déja mûrement réfléchi.
"Si vos parents acceptent de me rencontrer... et s'ils vous laissent encore partir avec moi après cette entrevue, alors nous pourrons aborder les choses de façon plus concrète".

Alors l'obsscurité se fit plus dense et le bois se ressera. Les murmures n'étaient plus loin, c'était chose certaine, et Reflet-de-Lune pressa les mouvements de ses ailes translucides.

Un peu auparavant…

Perle de pluie était de retour à Finemousse pour quelques jours et profitait sans retenue du plaisir de retrouver les siens. Dans l’auberge de ses parents, elle chantait ses voyages, les horizons sans limites et les couchers de soleil…

Le soleil est si beau paré d’éphémère,
Tel un papillon de feu illuminant la terre,
Et comme à chaque fois on craint de le perdre…

Mais je n’ai pas peur,
J’ai ta main dans la mienne et je sais que nous allons, ensemble,
Vers la lumière !

Elle égrena les derniers accords de sa chanson, avec un sourire nostalgique…
« Et qui te tient la main? » lui demanda finement Rosée-matinale, sa mère.
Perle de pluie éclata de rire et lui lança un regard complice.
«Si il s’agit d’une fée, je ne l’ai pas encore rencontré… Mais peut être que je voulais tout simplement parler de la musique. » Vivebrise, son père lui sourit, fier de sa fille.
Mais Rosée-matinale soupira alors d’une manière si théâtrale que les personnes présentes ne purent s’empêcher de sourire.
Perle de pluie gloussa et lança à la cantonade :
« Vous voulez une autre chanson ? »
Les clients approuvèrent, enthousiastes, et elle se mit à chanter, dans un tout autre registre, une chanson à boire !

A ce moment là, la porte de l’auberge s’ouvrit à la volée et Douce-Bise, une voisine, entra précipitamment dans l’auberge, visiblement bouleversée.
« Que se passe-t’il ? » interrogea Rosée-matinale, Elle entretenait depuis toujours avec la dryade des rapports cordiaux et elle savait qu’elle ne se mettait pas dans des états pareils sans raisons.
« Ma fille a disparu ! Elle s’est perdue j’en suis sure ! Et il fait si froid…Je suis tellement inquiète ! », sanglota Douce-Bise.
« Allons, Chante-Bruine n’est plus une enfant, elle a sans doute trouvée un endroit où s’abriter en attendant de reprendre la route ».
Ces paroles de réconforts semblèrent rassurer un peu la douce dryade, mais elle demeurait inquiète.
Perle de pluie prit alors la parole :
« Je vais tout simplement aller à sa rencontre. De toute façon je comptais reprendre la route bientôt…Par où est elle partie ? »
Douce-Bise lui indiqua la direction du Bois des murmures et la remercia avec une gratitude non feinte.
Perle de pluie se souvenait vaguement de Chante-Bruine enfant, insouciante et folâtre. Tout à fait adorable. Elle espérait qu’il ne lui était rien arrivé…
Elle promit à sa famille de revenir bientôt et elle partit aussitôt, son baluchon sur le dos.
Les heures passèrent…Elle volait et marchait alternativement, et le froid commençait à se faire sentir.
Elle grignotait un morceau de noisette lorsqu’elle aperçut deux fées loin devant elle, et l’une d’elle semblait être la petite dryade...Mais qui pouvait bien être son compagnon ?

[Pardon pour l'attente, je suis débordée en ce moment ^^"]

Chante-Bruine balançait son panier en sautillant, insouciante qu'elle était face au danger de la clairière. Elle avait bien entendu les murmures qui s'élevaient autour d'eux, certes, mais elle pensait qu'il s'agissait seulement d'autres Faereens qui discutaient autour d'eux, camouflés dans la végétation. Elle se demanda d'ailleurs ce qu'ils pouvaient bien craindre pour se cacher.

" Ce sera rapide, vous n'aurez qu'à parler à ma maman... Mon papa est décédé peu avant que je ne devienne une fée adulte... Ca nous a toutes rendues très tristes, ma soeur, ma mère et moi... On a retrouvé sa dépouille près de Louverocs... Il a sans doute été attaqué par une bestiole monstueuse... "

La jeune fée sembla soudain un tantinet rembrunie, ce souvenir éveillant sans doute en elle beaucoup de tristesse et de chagrin. Elle ne sautait plus, ne souriait plus. Elle n'entendait même plus les chuchotis pourtant de plus en plus forts.

" Mais on le savait avant de recevoir la nouvelle... Un soir, on a entendu le cri d'une Banshee... On a su qu'il lui était arrivé quelque chose... "

Elle sembla tout à coup horrifiée et tourna vivement la tête vers Reflet-de-Lune, les yeux ronds comme des soucoupes :

" Vous avez déjà entendu le cri d'une Banshee ? C'est horrible... c'est le plus terrible cri que j'ai jamais entendu... C'est à vous glacer le sang... j'en frissonne rien que d'en parler... C'est un cri qu'on oublie pas, vous pouvez me croire... "

C'est alors qu'elle remarqua la silhouette d'une autre fée un peu plus loin. Chante-Bruine reconnut la silhouette de Perle-de-Pluie. Comme si elle n'était pas en train d'évoquer une histoire à flanquer la chair de poule deux secondes auparavant, un grand sourire étira ses lèvres et elle leva la main pour saluer leur comparse.

La présence de Perle-de-Pluie ne fit que lui confirmer qu'ils ne devaient plus être loin de Finemousse puisqu'il y avait du monde qui discutait par ici... Une bien belle naïveté... Si elle se doutait de ce qu'il en était réellement...

Les paroles de Chante-Bruine firent ralentir le pas de son compagnon, qui écouta avec un respect palpable. Alors même que les paroles de la petite fée devenaient plus sombres, les murmures, autour des deux voyageurs, semblaient se faire plus forts et plus hatifs. Du fond des bois et à la fois terriblement près, semblaient s'élever des lamentations sourdes et diffuses que l'on ne pouvait comprendre mais qui alourdissaient chaque souffle, chaque pas.

Il fallait presser le pas. Et monter au nord jusqu'à la limite des Bois-gelés pour éviter les abords de Louverocs. Cet endroit n'avait déja que trop marqué la vie de la jeune Dryade, et ils passeraient par un chemin plus sur bien que plus long.

"J'étais à peine âgé d'un mois lorsqu'on planta un jeune frêne sur la dernière couche de Poussière-d'Etoiles, ma soeur", dit-il d'une voix voilée. "Je ne me souviens pas du cri du Banshee, et c'est peut-être un sort heureux".

Voletant par instant et marchant rapidement sur la terre froide, Reflet-de-Lune garda le regard fixé vers le sous-bois, comme si ce simple contact visuel pouvait garder à distance ce qui se terrait depuis des millénaires. Lorsque son regard se posa à nouveau sur la route, il aperçut lui aussi la silhouette d'une fée, à quelques cinquante pas d'eux. Il manqua de croire à une chimère envoyée par les Murmures eux mêmes, mais Chante-Bruine leva une main en un salut. Intrigué, il ne ralentit pas son pas.