Que nous réserve donc cette foire ?

...Telle pourrait-être ce à quoi pensait Hallystéria, bien enveloppée dans sa cape de cuir et de fourrure, faite par elle-même (et cela se voyait...), ses (trop) longs cheveux noirs bien attachés par une ronce, elle s'était faite jolie, comme chaque année, pour la foire aux macarons...

Pendant que ses parents vendaient quelques objets et que son frère se baladait avec sa femme et ses amis, elle se baladait, humant avec délice les odeurs de macarons et autre nourriture alléchante.

S'arrêtant devant un stand tenu par deux petites lutines aux yeux d'ors, elle leur acheta quelques macarons aux noisettes et une coupe de jus d'airelle, qu'elle commença à déguster, assise à une table recouverte d'une nappe qu'elle reconnut comme étant de fabrication Banshee.

A quelques pas de la table d'Hallysteria, on travaillait dur pour rameuter du peuple. C'est que Baie de Sureau voulait profiter de l'occasion. Il était rare qu'elle croise autant de monde en une seule journée sur les routes. Et elle s'était tant ennuyée à sa dernière halte qu'elle avait fini par raconter ses histoire à deux corbeaux de passage. Alors pour une fois, elle voulait un grand auditoire. Aussi s'égosillait-elle, sautillant sur le tonneau où elle était juchée.

- Oyez, Oyez, Gens petits et Plus grands. Entendez, jeunes et moins jeunes, chenus et vivaces la belle histoire des Macarons. Vous vous en goinfrez aujourd'hui, mais savez-vous au moins comment ces délices ont été créés ? Laissez donc vos oreilles se promener par ici. La curiosité est le plus beau des défauts. Et sur un sujet aussi délicieux, vraiment n'hésitez pas ! Installez-vous à une table ou sur le sol. Sortez nourritures et boissons, et surtout, ouvrez les oreilles. C'est une histoire douce à croquer. Croustillane sur le dessus, mais fondante à l'intérieur. Vous ne pourrez que l'aimer.

Vanter les mérites d'une hsitoire était en soi une histoire à part entière, et Baie de Sureau s'en donnait à coeur joie. Vraiment, quelle aubaine que cette foire. Après ça, elle irait s'humecter le gosier avec un bon verre de rosée. C'est qu'à faire fonctionner sa langue, on finissait par avoir soif.

Non loin, était assis un petit gobelin bien emmitouflé dans un costume de cuir et de tissu épais. Il était de taille assez réduite et possédait un visage rond et juvénile percé de deux yeux rieurs. Assis en tailleur sur un tonneau assez haut, il sirotait un verre de délicieux jus d'airelles. Il en avait déja goûté de meilleurs, mais celui-ci avait été aggrémenté de quelques goutes de citronnelle et le résultat était intéressant. De ses petits doigts fins et crochus, il tira un carnet de la doublure de son manteau et y griffonna quelque chose. Devant lui, trônait un sachet contenant trois beaux macarons beiges tâchetés de brun.

L'ambiance était sans pareille, en ce jour de Foire au Macaron, et nul n'aurait raté cet événement. Noisepin brillait toujours par son activité, mais le festival annuel était l'occasion d'une grande réunion du peuple faereen. Dans cette atmosphère unique, le petit Gobelin était visiblement à son aise et regardait la foule passer, n'hésitant pas à laisser ses petits yeux noirs trainer de façon insistante sur une Dame Gnome ou un grand troll dégingandé.

Ce fut alors qu'une voix lutine perça le bruit ambiant de la foule, annonçant quelque histoire populaire. Celle des macarons ? Voilà qui était intéressant ! Le carnet du jeune Gobelin resta ouvert devant lui, et il releva la tête avec une attention certaine. A la table qui se situait à sa droite, une Banshee analysait la maille de la nappe de lin.

C’était la première fois que Louarnic venait en territoire lutin. Pour l’occasion il avait fait le plein de spécialités korriganes qu’il pourrait troquer contre un stock de macarons. Il venait justement d’en prendre deux que le marchand avait été heureux d’échanger contre une statuette de sable aux formes étranges. Le korrigan lui avait certifié qu’elle avait des vertus pour la digestion, sans lui mentionner qu’elle avait été confectionnée par les enfants de la Porte des Dunes avec les fientes de limicoles.

Il engloutit l’un des deux gâteaux avant de tendre le second à Gédéon qui trottait derrière lui. Le lièvre le renifla quelques instants pour, finalement, détourner la tête. Louarnic haussa les épaules et avala le deuxième macaron. Il flânait le long des échoppes, cherchant un endroit où il pourrait lui-même déballer sa marchandise, lorsqu’une voix attira son attention. Une petite lutine tentait d’attirer la foule et son accroche était loin d’être mauvaise.
Le korrigan, toujours suivit de Gédéon, s’approcha du tonneau ou sautillait une lutine et s’appuya sur son lièvre qui venait de s’asseoir. Il sortit une petite pipe qu’il bourra avant de l’allumer puis en tira de profondes bouffées, prêt à entendre l’histoire.

Levant les yeux en entendant la voix flutée de la lutine, elle se leva et se rapprocha d'elle, pour s'installer sur le sol et se nicher confortablement dans sa cape.

Elle avala son cinquième macaron et termina son verre de jus d'airelles en attendant l'histoire.

Haha, du public. Baie de Sureau avait réussi à ameuter un début de petit groupe. Comptons donc. une Banshee, un Gobelin, et un Korrigan. Plus un lièvre, si elle racontait des histoires aux corbeaux, pourquoi les lièvres n'y auraient-ils pas droit ? Soyons donc un peu juste. Bref, c'était un début d'auditoire parfait pour une histoire à croquer.

Baie de Sureau raffermit son assise sur son tonneau, se redressa le plus possible, puis, dans un mouvement souple, se pencha vers les oreilles attentives, adoptant un ton de conspirateur.

- Car voyez-vous, nobles gens du Petit Peuple, ce que l'on ne sait pas, c'est que le Macaron est pour ainsi dire le fruit d'un miracle culinaire. Une rocambolesque aventure de chaudron. Et une si grande histoire, qui ameute aujourd'hui à Noisepin bien des êtres différents, venus des confins des terres brumeuses, des déserts chatoyants, des montagnes abruptes, ou encore des tréfonds de Hoogle Boogle....Eh bien une si grande histoire a commencé de manière étrangement simple... Par une amande, et par une petite fée curieuse.

Tout ce beau monde ne l'ignore pas, les fées sont friandes des douceurs sucrées que peuvent créer les lutins. Comme beaucoup, en somme. Délaissant les terres sèches où elle avait l'habitude de jouer avec les rayons du soleil, cette petite fée avait décidé de voyager un peu. Car elle avait faim, voyez vous. Mais pas une fin ordinaire, sinon l'histoire se serait arrêtée au premier arbre fruitier qu'elle aurait rencontré. Non, cette petite fée, qui se nomait Cosse-amande, avait faim d'elle même.

Comprenez qu'elle voulait goûter des amandes, rien qu'une fois dans sa vie. Ses parents, avant d'avoir des enfants, avaient beaucoup voyagé. Et ils avaient appelé leurs enfants en fonction de fruits délicieux qu'ils avaient pu goûter. Hélas, ces fruits, aussi succulents soient-ils, étaient inconnus dans les Confins du Désert de Perles. Il n'en faut pas plus pour pousser au voyage un jeune Faeren. les vents de l'aventure savent prendre bien des formes.

Hélas pour la petite fée, elle était partie un peu vite. Elle avait oublié de demander à ses parents à quoi pouvait bien ressembler une amande. Elle erra donc quelques temps, suivant les rivières, remontant les rayons de soleil, pour attérir un beau matin dans un petit bosquet, non loin de Noisepin. Là, n'en pouvant plus, elle croisa un imposant Banshee, tout de cuir noir vêtu. Ce dernier allait sans doute prendre son envol quand elle l'arrêta en se posant devant lui.

-Veuillez m'excuser, souffla-t-elle, mais voilà bien longtemps que je cherche, et je crains de m'être perdue. Sauriez vous me dire si un arbre à amande pousse par ici, s'il vous plaît ?

Le Banshee contempla la petite fée, qui semblait bien loin de son désert natal, et quelque peu affaiblie par toutes ces recherches. Puis, dépliant ses longts doigts, il les glissa dans le sac posé à ses côtés, pour en retirer une chose curieuse aux yeux de la fée. Une sorte de coque, pâle et creusée de petits trous.

-Voici une amande, fit le Banshee de sa voix grave en tendant le curieux objet à la fée. Mais elle est encore fermée. L'amande proprement dite, qui se mange, est à l'intérieure de cette coquille. Hélas, je n'ai rien sur moi pour l'ouvrir. Accompagne-moi à Noisepin, et nous trouverons bien un artisant pour t'aider...

Devisant gaiment, le Banshee et la fée rejoignirent la ville. Au bout de quelques rues, ils tombèrent sur un marchand itinérant Korrigan. Ce dernier les aborda, car il faisait le commerce de cosses, et celle de l'amande lui paraissait convenir parfaitement à la commande qu'un menuisier lui avait faite. En échange de la cosse, il voulait bien en extraire l'amande et la leur laisser. Et ainsi furent faites les affaires. Cette discussion animée avait attiré pas mal de monde, et c'est sous les viva que la petite fée, dont l'histoire s'était répande, put gouter sa première amande. Elle comprit alors pourquoi ses parents l'avaient appelée ainsi. Un fruit si doux et si léger correspondait parfaitement à l'esprit des fées du feu...

Cosse Amande resta encore quelques temps à Noisepin. D'abord pour cueillir quelques amandes, à ramener à sa famille, ensuite, parce qu'elle voulait remercier tous les gens qui l'avaient aidé dans sa quête. Elle prit un peu de poudre de ses ailes, et demanda à un cuisiner gobeline de l'aider à la cuire dans un gâteau à base d'amandes. La poudre de fée mélée à la pâte lui donna une légèreté encore inconnu, tandis que l'amande la rendait croustillante à souhait. Cependant, juste le gâteau, comme ça, c'était un peu sec. Aussi le cuisinier attrapa-t-il un pot de confiture d'ayrelles qui trainait sur la table, et en badigeona-t-il généreusement un gâteau, avant de le plier en deux. Le Macaron était né. il y eût bien sûr quelques autres tatonnements pour que le délice trouve sa forme définitive, et entre temps, les goûts possibles s'étaient multipliés, mais il n'en reste pas moins que le premier macaron fut fabriqué par une fée nommée Cosse-Amande, et par un cuisiner Gobelin, Heughart, dont les arrières arrières arrières petits enfants tiennent encore le restaurant à ce jour.

Aujourd'hui encore, c'est à Noisepin, là où poussent les amandiers en masse, que l'on fabrique les macarons. Comme Cosse-Amande en avait distribué à un Banshee, à un Korrigan, et à un Gobelin, puis qu'elle était rentrée chez elle en en emportant un paquet, la rumeur se répandit vite dans tout Faery, et depuis, quand le temps de la foire aux macarons revient, tout Faery s'invite à Noisepin.

Sur un dernier silence, Baie de Sureau sauta de son tonneau. L'histoire était fini et il se faisait soif.

"Hoggle Gobble !" corrigea Ook lorsque la lutine (charmante au demeurant) écorcha le nom divin de sa belle cité natale, logée aux confins des Marais de la Pestilence. Son expression était cependant celle d'un Gobelin avide d'en savoir plus, et il affichait un large sourire qui exprimait assez son intéret pour cette histoire du Macaron. Ce seul terme suffit à lui mettre l'eau à la bouche, et il sortit du sachet l'un des deux beaux macarons qu'il avait achetés. Tout en écoutant la suite de l'histoire, il mordit dedans de ses petites dents pointues. Le croquant superficiel fit place au fondant intérieur et à a la saveur de l'amande parfumée au praslin. Quelle merveille que cette pâtisserie lutin...

Ce fut alors qu'un "imposant Banshee" fit irruption dans l'histoire de la racontarde. Ook tourna les yeux vers la jeune fille de ce Peuple qui était assise non loin. Elle était extrémement frêle et n'avait rien de comparable avec l'être puissant que décrivait la lutine dans son conte.

Il oublia cependant bien vite ses considérations... L'histoire prit un tournant fantastique lorsque l'idée vint à la jeune Cosse-Amande de méler de la poudre de fée à une préparation à base d'amande. Ainsi était né le macaron ? Quelle merveille ! Le petit carnet de Ook resortit de sa poche en une seconde et ses petits doigts posèrent le macaron rogné qu'ils tenaient. Des mots et des mots furent griffonés. Heughart ! Quel nom merveilleux ! Ses petits petits enfants tenaient encore un restaurant ? Ici, à Noisepin ? Il fallait qu'il s'y rende !

Ce ne fut que pour applaudir l'histoire que Ook reposa ses notes. Il battit trois fois des mains, puis fouilla dans sa besace dont il sortit un beau pignon doré. La jeune lutine venait de sauter de son tonneau, et il lui lança le lisse fruit de pomme de pin.

"Bravo la Lutine !" dit-il, ravi.

Lorsqu’il fut installé et que la jolie lutine démarra son histoire, Louarnic regarda le public alentour pour tenter de repérer quelques clients éventuels. Une banshee sirotait non loin un verre de jus d’airelles et un gobelin était assis sur un tonneau, ses yeux brillants d’intérêt pour le conte.
Le korrigan remit son étude de marché à plus tard et s’intéressa à nouveau à la petite conteuse qui commençait fort bien son récit. Qui aurait pu penser qu’une simple histoire de friandise devienne ainsi une quête épique ? Il s’affala un peu plus contre Gédéon qui émit une sorte de toux à cause de la fumée de pipe qui s’effilochait entre ses moustaches.
« Oh ! Pardon mon vieux… »
Louarnic changea de position pour faire en sorte que le lièvre ne soit plus incommodé par la fumée.

L’histoire était coquasse et ne manquait pas de mettre l’eau à la bouche du jeune korrigan qui se dit qu’il aurait du prendre un macaron de plus et un jus d’airelle. Il décida d’attendre la fin de l’histoire, ne voulant pas en perdre une miette.
A l’évocation de la poudre de fée, Louarnic se demanda s’il était possible de troquer ce genre de chose avec une fée. Cela aurait pu intéresser bon nombre de personnes et il aurait pu en tirer un bon troc… Et un sacré paquet de macarons !

La chute de son histoire était des plus intéressante ! Elle finissait bigrement bien et faisait en même temps la réclame pour le restaurant des descendants de ce « Heughart », il n’aurait pas trouvé mieux. Il se dit qu’il devrait, lui aussi, inventer une histoire mettant en valeur son commerce pour s’attirer de la clientèle.
Il se redressa en prenant appui sur Gédéon et tira quelques bouffées sur sa pipe en applaudissant. Il s’approcha de la jeune fille, un grand sourire sur les lèvres.
« Bravo ! Quelle jolie histoire… Puis-je me permettre de vous offrir un verre pour vous remercier ? »

Bien emmitouflée dans sa cape, elle jeta un coup d'oeil au tour d'elle, regardant les gens présents en souriant (si tant soit peu qu'une Banshee sait sourire, mais enfin soit).

Puis, elle se plongea avec délice dans l'histoire ô combien délicieuse, "comme un macaron" pensa-t'elle. A l'évocation du "puissant banshee", elle ne put que laisser passer un petit soupir de mélancolie (ou de tristesse) en pensant à son frère. Mais l'habileté de la lutine à conter l'histoire la fit vite oublier ce moment passager.

A la fin de l'histoire, elle applaudit à tout rompre, bien décidée à faire honneur à la lutine. Elle croqua un autre macaron à la noisette et se leva, pour s'approcher de la lutine.

"On ne peut, décement, ne pas la remercier pour cette histoire..." se dit-elle. Elle fafouilla dans ses poches à la recherche d'un présent et en sortit...Un macaron. Puis s'approcha d'elle, en souriant.

Dans une joyeuse cabriole, Baie de Sureau attrapa le pignon de pin, et fit une gracieuse révérence pour remercier le gobelin qui l'avait envoyée. Décidément, c'était agréable de raconter des histoires aux gens du Petit Peuple. Déjà, eux faisaient des commentaires, et ils savaient apprécier une bonne chute. Non que les corbeaux ne soient pas de bonne compagnie, mais ils manquaient quelque peu de conversation.

Et justement, voilà que la conversation venait à Baie de Sureau, sous la forme d'un Korrigan ma foi bien affable, vu qu'il se proposait d'offrir à boire. La Foire aux Macarons était décidément un endroit parfait pour qui aime à faire fonctionner sa langue.

- C'est si gentillement proposé, j'accepte avec joie.

Baie de Sureau tendit la main pour désigner des places libres à une table, juste à côté du Gobelin qui lui avait lancé le pignon de pain, justement, mais son geste se figea en chemin : la Banshee qui était jusque là assise s'était relevée et s'approchait d'elle.

-Puis-je vous aider, dame Banshee, demanda-t-elle en s'inclinant de plus belle.

L'histoire de la jeune lutine remporta un franc succès, et bon nombre de Faereens aux alentours la gratifièrent d'une parole sucrée, d'une graine ou même... d'une invitation. Si Ook en avait eu le cran et la célérité, il aurait aimé proposer à la conteuse de boire un coup de jus d'airelle avec lui. Il aurait volontier risqué quelques questions sur le fameux Heughart... Par infortune, la demoiselle en était une et le Korrigan au lièvre était aussi rapide que sa monture.

Pourtant, il sembla que la chance s'était décidée à sourire au petit Gobelin, en ce jour de foire au macaron. Ce fut une table toute proche que choisit la racontarde pour leur abreuvage improvisé, et il pourrait tenter une approche en douceur, par le côté. A ce même moment, la Banshee se leva en faisant onduler la nappe de lin et s'avança à la manière de son peuple. On aurait dit qu'elle flottait sur le sol avec une inquiétante légèreté. Comme la lutine, Ook resta interdit sur son siège, la mâchoire inférieure presque ballante. Il n'avait pas souvent vu de Banshee à Hoggle Gobble, et trouvait visiblement cette rencontre saisissante.

Secouant la tête, il se reprit. Il était impoli de dévisager les gens de la sorte ! Sa main replongea dans le sachet dont il tira son second macaron, et il le contempla silencieusement à la lumière de l'histoire qu'il venait d'entendre.

Apparemment Louarnic n’était pas le seul à vouloir remercier la lutine, rien d’étonnant puisqu’une histoire de la sorte le méritait et qu’elle ne manquait pas de charme. Gédéon avait trottiné jusqu’à ces côtés et observait la jeune fille de toute sa hauteur, un air amusé.
Le korrigan fut très heureux que la lutine accepte son invitation et accepta la table qu’elle présentait en souriant au gobelin tout proche de celle-ci. Il s’inclina légèrement et tendit un bras dans la direction de la table.
« Après vous charmante demoiselle ! »

Louarnic ne comprit pas tout de suite pourquoi la lutine s’était figée jusqu’à ce qu’elle s’adresse à une autre demoiselle approchant. Il se retourna et fut surpris de voir là la banshee qui buvait son verre de jus d’airelle un peu plus tôt. Il en avait croisé plusieurs lors de ses voyages mais n’avait pas l’habitude de les côtoyer, leur présence le rendant mal à l’aise. Il n’en avait pas fait cas tant qu’elle était assise à distance mais maintenant qu’elle s’approchait s’était une tout autre affaire… Pourtant, se dit-il en l’observant approcher, elle ne manquait pas d’un certain charme, peut-être méritait-elle qu’on la connaisse. Il fit alors comme si de rien n’était et sourit à la nouvelle arrivante, comme il souriait à un nouveau client.

Sentant sur elle quelques regards se poser, elle baissa les yeux, en esquissant une ébauche de sourire. à l'adresse du Gobelin et du Korrigan. Malgré le fait d'être une Banshee, il lui arrivait d'éprouver de la joie (et même de la timidité). Elle s'approcha un peu plus, en flottant doucement.
Elle inclina son pâle visage lorsque la Lutine lui adressa la parole en s'inclinant et répondit, de sa voix si spécifiquement lugubre, un peu rauque, un peu triste.

- Oh...Je voulais juste vous remercier, Dame Lutine, pour votre si jolie histoire...En vous offrant de partager quelques macarons...Si vous acceptez, bien sûr, une Banshee à votre table...

Fit-elle en posant ses longues mains fines et blanches, jusque-là cachées, l'une sur l'autre.

"Si le Sieur Korrigan fournit l'invitation et Dame Banshee la nourriture, j'offre la boisson !" s'exclama Ook qui venait d'exploser sous le coup de l'envie. Il avait bien essayé de rester sage et solitaire, dans son coin, mais il était Gobelin, rappelons le... et donc bigrement impulsif. Ses petits yeux noirs brillaient sous son grand chapeau orné d'épines.

En un clin d'oeil, il se leva et fila de toute la vitesse de ses petites jambes chercher quatre gros gobelets de jus d'airelles qu'il rammena en en faisant tomber le moins possible par dessus bord. Fier de lui et heureux de faire (peut-être) plaisir, il les déposa sur sa table avant de la coller à celle - toute proche - où s'étaient installés les autres Faereens.

-Youpi, Youplaboum, s'écria Baie de Sureau devant une telle avalanche de rencontres goûtues.

-Allons-y-donc, je me charge de la table.

Et, prenant le Korrigan et la Banshee par la main, elle se mit en demeure de les traîner vers une table avenante et pouvant accueillir quatre personne. La grâce sombre de la Banshee l'impressionnait toujours un peu, mais qui sait, sous ces airs triste, elle était peut-être juste timide ? La vie était faite de nouvelles expériences, après tout, et Baie de Sureau allait en faire une de plus. D'ailleurs, que pouvaient bien se raconter un Korrigan, un Gobelin, une Banshee, un livre de selle et une lutine attablés ensemble ? Ca allait sans doutes être passionnant.

Et, comme Baie de Sureau ne pouvait vraiment pas s'empêcher de raconter des histoires, même des qui ne se finissent pas par des réponses, elle lâcha la main de ses compagnons de festin, lança abilement son pignon de main sur la table (nul doute que tout le monde apprécierait d'en tremper un morceau dans sa boisson), puis, enfin libre, elle se mit à danser la gigue autour de la table en chantant à tue-tête, tout en prenant soin d'évite le Gobelin et sa précieuse cargaison.


"Que peut bien murmurer
la si grande Banshee
A son voisin le gobelin ?

Et ce digne Korrigan, tiens ?
Que chante-t-il à cor et à cri ?
A qui voudrait bien l'écouter ?

Que dire de cette lutine
Qui sans cesse sautille ?
Elle en donne le tournis !
Ne va-t-elle donc pas s'arrêter ?

La Banshee raconte le Nord
Et les terres nimbées de brume
Elle dit le silence de la frontière.

Le Gobelin parle de bières
Peu importe qu'elles soient blondes ou brunes
Elles vont toutes connaître le même sort.

Le Korrigan parle voyage
Paysages inconnus et acueillants
Denrées exotiques à un prix unique !

La petite lutine fait la nique
Et saute partout en riant.
Elle note leurs histoires sur ses pages !

Sur un dernier refrain enjoué, Baie de Sureau sauta sur la table, très satisfaite de sa comptine bancale. A défaut de se rapprocher de la vérité, c'était amusant, non ?

Surprise, elle se laissa entraîner par la Lutine et applaudit à la fin de son amusante gigue. Elle s'installa et posa son petit sachet de macaron sur la table, inclinant la tête lorsque le Gobelin apporta les verres de jus d'airelles.

Elle tourna sa tête pour regarder les deux autres invités, le Korrigan et le Gobelin, en profitant pour resserrer d'une main qui ne craignait sa morsure, la ronce maintenant ses cheveux en place.

-" Oh oui, qu'allons nous-donc pouvoir nous raconter ?....Peut-être déjà, vous féliciter, Dame Lutine..."

Dit-elle, en "souriant".

Louarnic observa, d’un air amusé, ses nouveaux compagnons. Tout était allé si vite pour organiser cette petite rencontre improvisée qu’il n’avait rien eu le temps de dire. Un grand sourire illuminait son visage devant tant de spontanéité. Il sentit la main de la jolie lutine prendre la sienne et ne refusa pas de la suivre jusqu’à la table, Gédéon trottinant joyeusement derrière eux.

Soudain, la lutine se mit à chanter un air joyeux de son invention, tout en dansant une ronde autour de la table. Le korrigan se dit qu’il faudrait qu’il l’invite un jour à une de leur cérémonie, lorsque le peuple de la côte se mettait à danser autour des pierres levées.
Lorsque le chant débuta, le lièvre vint se placer à côté de son ami et se baissa comme pour présenter quelque chose dans le paquetage qu’il portait sur son dos. Louarnic compris ce que désirait Gédéon en voyant un archet dépasser des divers sacs. Il le saisit rapidement ainsi que le violon qui l’accompagnait. Le temps de se mettre en place et de trouver les quelques notes, il accompagna la jeune fille sur les deux derniers couplets sortis de son imagination féconde.

Le chant terminé, le korrigan baissa son instrument et s’inclina pour remercier la lutine. Il se retourna vers la charmante banshee et acquiesça à ses propos.
« Oui ! Buvons un verre en l’honneur de du verbe et de la créativité de notre amie ! »

Avant même que ses gobelets aient pu toucher table, un vent de fête sembla soulever le sable de la ruelle pour mieux l'emporter au son d'une chanson lutine. La voix de la racontarde s'éleva pour chanter quelques mots qui - sembla-t-il à Ook - n'étaient pas sans rapport avec le petit comité qui venait de s'improviser. Une farandole se forma, passa au dessus de lui, et le son d'un violon korrigan retentit bientôt.

Ravi, il lança un regard au lièvre qui était le seul à ne pas avoir pris part à la danse. Lui aussi aurait certainement droit à quelques petites faveurs gustatives. C'était un fort bel animal, et un petit pincement vint au coeur du Gobelin. Il mourrait littéralement d'envie de se faire lui aussi un ami à poils... Mais la chose n'était pas si aisée. Il fut sort de ses pensées par un appel à trinquer fièrement lancé par le korrigan violoniste.

"Oui ! Aux savoureuses histoires de la lutine, buvons !" dit-il en levant son gobelet dont quelques goutes de précieux liquide s'échappèrent.

Quelque peu essouflée, Baie de Sureau finit par se laisser tomber sur sa chaise, et attrapa le gobelet le plus proche d'elle. Les lutins aimaient bien chanter et danser, mais il ne fallait pas oubier de recharger le moulin à eau de temps en temps. Avant d'avaler goulument le contenu de son verre, elle le leva bien haut, en écho aux félicitations que ses compagnons de tablée lançaient.

- Buvons aussi aux fêtes et aux joyeux auditoires, alors !

Là dessus, elle renversa la tête en arrière et avala de longues gorgées de liquide. C'est qu'elle était assoifée ! Elle reposa ensuite le gobelet, d'un coup nettement moins rempli, et se mit en demeure de couper le pignon de pin en cinq parts, pour que tous puissent en avoir un bout, y compris le si joli lièvre.

Mais la curiosité des lutins est proverbiale, et elle ne put s'empêcher, une fois sa tâche terminée, de jeter un coup d'oeil à ses camarades, avant de demander à brûle pourpoint :

- Vous êtes tous venu pour la foire, ou ce n'est qu'une étape pour un Grand Voyage ?

Baie de Sureau avait un faible pour les Grands Voyages, pleins de surprise et d'aventure, d'animaux sauvages et de rencontres inatendues...

Elle leva elle aussi son verre et y posa précausioneusement les lèvres, avant d'en boire quelques gorgées. Elle regarda avec une certaine tendresse le lièvre apprivoisé, se demandant si ce ne serait pas une bonne idée d'apprivoiser un animal autre que les araignées...

Elle posa ses mains fines sur la table et attendit un petit peu, si quelqu'un allait répondre avant elle. La Banshee pesa ses mots et finit par répondre, de son étrange voix :

-" Oh et bien...J'accompagnais juste mes parents......Mais....L'envie de découvrir le Monde est forte et je crois...que je n'y résisterais pas"

Louarnic déposa précautionneusement son violon sur la table de bois pour ce saisir du gobelet contenant le doux liquide. Il regarda un instant le breuvage avant de lever à son tour le verre de jus d’airelles. Dressant le bras bien haut il hocha la tête à la phrase de la lutine :
« A nous alors, et à cette fête qui nous a permis de nous rencontrer ! »

Imitant le conteuse il bu le liquide à grandes gorgées, savourant chacune d’elles. Il était frais et était une bénédiction pour la gorge lorsqu’il descendait. Il s’essuya d’un revers de manche tout en reposant le gobelet sur la table. Il regardait la lutine couper le pignon et sentit Gédéon se rapprocher, intéressé. Lorsqu’elle eut fini, elle leur demandait ce qu’ils comptaient faire après la fête.
Louarnic écouta la réponse de la banshee et se posa la question à lui-même. Depuis qu’il avait quitté l’Ouest pour Noisepin, une idée lui trottait dans la tête. Il avait toujours fait commerce sur les territoires bordant Dunevents et ne c’était jamais aventuré plus loin sauf pour le foire aux Macarons, c’était la première fois. L’idée de poursuivre son périple et d’échanger ses marchandises en cours de chemin l’intéressait énormément et il était sur le point de se laisser tenter.
« Et bien, pour moi, la foire était mon but… Je ne m’étais jamais aventuré aussi loin dans le pays. Et quand je dis « aventuré » je le pense au sens strict du terme… L’aventure m’appelle justement et je ne sais si je ne vais pas céder à son charme. Explorer ces contrées, découvrir les terres des autres faereens me permettrais de faire le tour du monde ! J’irais de régions en régions, sans limite possible, tout en poursuivant mon commerce… Gédéon en serait enchanté je suis sûr !
Oh ! Mais j’y pense ! Je ne me suis même pas présenté… Louarnic, originaire de Roparzh et colporteur ambulant de mon état. Et le grand lièvre ici présent est Gédéon, mon compagnon de route. »

Ook descendit lui aussi son verre, laissant le frais jus d'airelle glisser au fond de sa gorge. Ces boissons de fête étaient délicieuse. Le goût de la menthe vint après la douceur mélée d'acidité de la belle baie rouge, laissant une impression d'immense raffraîchissement sur la langue. Un morceau du pignon qui avait voyagé dans sa saccoche lui revint, et il ne rechigna pas à y goûté. Il lui avait été donné par un Satyre contre quelques indications de routes, et il constata qu'il ne s'était pas fait avoir. La graine était huileuse et douce comme du bon beurre.

"Je suis ici pour le travail !" dit-il à son tour, en réponse à la question de la lutine.
"Partout où il y a des choses à manger et à boire, je traine mes souliers et mon petit carnet. Et ici... c'est vraiment le paradis des papilles ! Je n'aurais manqué cette foire sous aucun prétexte ! Je commence tout juste un périple à travers ce vaste continent, afin de goûté à tout et en tous lieux. Noisepin est ma première étape !"

A côté de lui, le lièvre craquetait des dents de joie d'avoir reçu quelque chose. Gedeon ? Celà lui allait bien !

Myrah avait beaucoup marché ce jour là, et comme n'importe quel satyre l'effort lui donnait soif.
Heureuse d'avoir réussi à rejoindre sa destination sans se perdre *Tu y arriveras jamais*, l'avait taquiné son grand frère, *l'orientation c'est pas un truc de filles*, Myrah avait décidé de fêter ça en trinquant avec elle-même.

Heureusement, la foire aux macarons regorgeait de bonnes choses à boire et à manger, elle s'était donc procuré quelques macarons aux cerises et une chopine d'un jus fermenté provenant d'un fruit indéterminable en jouant un morceau de flûte à la jeune et minuscule vendeuse.

C'est d'ailleurs ce qui l'avait le plus frappé depuis son départ: la petitesse du peuple.
Elle savait que le petit peuple ne tenait pas son nom pour rien mais quand même...
Elle avait failli marcher sur ce qu'elle avait pris pour un insecte, mais l'insecte en question l'avait houspillée comme une malpropre: il s'agissait d'un lutin de la taille de sa phalange!

Elle grignotait donc ses douceurs quand elle aperçut une petite chose danser la gigue autour d'une table. Elle s'intéressa au groupe d'un peu plus près, et remarqua une chose plaisante: il y avait une créature de sa taille! Vu la tête qu'elle arborait, il devait d'agir d'une Banshee. Trop pâle et pas assez poilue pour être une satyre, même si elle ne voyait pas ses pieds sous la table.
Les autres étaient de petites choses qu'elle peinait à identifier, n'en ayant que très peu vu, mais néanmoins curieuse, elle s'approcha de la tablée.

Excusez ma brusque intrusion messieurs dames, annonça-t-elle de sa voix la plus suave, mais accepteriez vous à votre table une ménestrelle solitaire et assoiffée à la recherche de nouvelles inspirations pour ses chants?

Ses paroles n'étaient pas bassement flatteuses en leur faisant miroiter qu'ils étaient une source d'inspiration potentielle, le compliment était sincère...

Elle tourna la tête en direction de la voix qui venait de parler, ses yeux noirs et tristes se posant sur la nouvelle venue, qu'elle gratifia d'un sourire un peu terrifiant quand on avait pas l'habitude, inclinant sa tête pour la saluer, avant d'ajouter, de sa voix lugubre comme le vent qui souffle dans un arbre mort :

-" J'ai oublié de vous dire...Je me nomme Hallystéria....Bienvenue à cette tablée, Demoiselle Satyre..."

Elle en profita aussi pour croquer un macaron à la noisette, le sachet étant toujours ouvert au milieu de la table.

-Une ménestrelle !?

Pour le coup, Baie de Sureau en serait tombée de sa chai... Ah, elle était assise sur la table, en fait. Pour le coup, donc, elle en serait tombée de toute sa hauteur, voilà. Elle adorait les ménestrels. Elle avait un temps décidé à en devenir un, mais entre raconter des histoires et chanter des chansons, elle avait vite tranché, même si elle pratiquait toujours.

- Mais bien sûr, fit-elle, sans même attendre la réponse de presque tous les autres. Enfin, la dame Banshee si imposante pour la petite lutine avait déjà donné son accord.

Baie de Sureau dévorait la nouvelle des yeux. Elle avait beaucoup lu, beaucoup écouté, et beaucoup raconté, mais elle n'en était qu'au début de ses aventures. Et c'était donc la première fois qu'elle rencontrait une madame satyre dans toute sa splendeur. Il faut dire qu'enfant, elle ne trainait pas à la foire aux macarons. Il y avait beaucoup trop de monde à l'auberge pour qu'elle puisse s'éclipser.

- La boisson est une bonne inspiration, paraît-il, je vais recharger notre verve lyrique, déclara la petite lutine, qui, d'un saut agile, se retrouva sur le sol, et se mit à courir en chantonnant vers le stand de boissons le plus proche.