A boire à côté de la statue du buisson de roses

Tranquillement installée devant l'échoppe qu'elle avait installée pour le festival de Sculpture sur Glace, une mignonne satyre blonde attendait en sautant d'un sabot sur l'autre que quelqu'un se décide à entrer et consommer. Malheureusement, aucun satyre n'était passé pour l'instant, et aucune des personnes présentes aux alentours ne semblaient aimer la boisson. Chose incompréhensible pour Kalika, qui hésitait à se laisser tomber sur un des bancs qu'elle s'était " amusée " à louer et se consoler en buvant à grands traits de sa liqueur de ronces maison.
Un frissonnement agita la foule quand un gobelin la fendit, se laissant tomber sur un bac et réclamant à grands cris de la liqueur d'orties. Ecoueurée par ce comportement, la satyre servit rapidement son client, gardant le plateau à la main pour prévenir toute tentative d'arnaque, et futsoulagée de recevoir une plume de corbeau en paiement tandis qu'il partait aprés avoir vidé la chope. C'était peu, mais constituait cependant son premier client du jour.

S'éloignant le temps de nettoyer la chope, la satyre entonna une chanson à boire de la voix hypnotique propre à son peuple, indifférente aux réactions qu'elle suscitait. Elle était agréable à voir et la savait, elle chantait bien et en était consciente, ses boissons était toutes délicieuses même si elle était seule à la savoir... Que lui manquait-il, alors ? Un peu de compagnie ? Une clientèle fidèle ? Elle n'en savait rien, et se menait en affirmant ne rien souhaiter de plus. Mais bon, les satyres sont par nature têtus, et elle peut-être plus que d'autres...

_ Où l'on me verse du bon vin
Volontiers, volontiers
Je ferai longue pause
Comme les fleurs de mon jardin
Comme les fleurs de mon jardin
je prends racin où l'on m'arrose...

Finissant sa chanson, la satyre se laissa glisser sur un banc, le plateau posé sur ses genoux, jouant machinalement avec une longue mêche d'un blond de miel en observant les passants. Pourquoi personne ne voulait boire ? La sobriété est mauvaise pour la santé, tout le monde sait ça !

Plus loin, un tout petit oiseau tout bleu tout mignon parcourait la ville d'un vol joyeux et désordonné. Il s'arrêta en entendant un chant, et se précipita vers la foule. Atterrissant plus mal que bien, il se lissa les plumes durant un long moment. Eldin sortit d'entre ses plumes et s'étira en grognant, visiblement vexée d'être tombée sur l'oiseau le plus enthousiaste et maladroit de la région. La petite gnomette regarda autour d'elle et trouva aussitôt l'origine du son mélodieux qu'elle avait entendu quelques secondes avant l'atterrissage catastrophe. Une jeune satyre était assise par terre, apparemment dans un état de frustration supérieur à celui de la gnomette pourtant fâchée contre l'oiseau. Cette dernière traversa donc doucement et prudemment la foule, et s'approcha on ne peut plus poliment et timidement de la satyre. Alors que plus loin, bon nombre de mâles regardaient, séduits, la jeune satyre, Eldin la fixait avec admiration, surprise et charmée. Elle s’avança, la regarda d’en bas (beh ui, elle est toute petite comparée à la satyre), et lui offrit un petit sourire timide.

Bonjour. C’est vous, je suppose, qui avez attiré mon oiseau ? Ca ne va pas ? Vous avez l’air toute triste, pourquoi ? Je peux vous aider ?

Oui, Eldin est non seulement très active, mais aussi particulièrement bavarde, et surtout devant une âme en peine. Elle ressentait alors l’irrésistible besoin d’aider celui qui semblait triste ou ayant un problème. Et c’était le cas de la jeune satyre assise seule sur un banc de, visiblement, sa propre échoppe. Eldin avait donc levé ses grands yeux verts brillants de curiosité, néanmoins un peu gonflés et dans lesquels on lisait son besoin d’aider vers l’être désespérée. Elle attendait patiemment les réponses à ses questions, se dandinant d'un pied sur l'autre, un peu intimidée par le charisme et la beauté de cette grande créature à la chevelure de miel et à la voix hypnotisante. A propos, derrière Eldin, l'oiseau sautillait joyeusement pour essayer de se faire remarquer par la satyre, ce qui énervait d'autant plus la petite gnomette déjà agacée par le caractère du volatile.

Kalika baissa les yeux sur la minuscule Faerienne qui venait de lui adresser la parole, lui offrant un sourire lumineux. Elle doutait qu'elle puisse l'aider, mais trouvait la minuscule créature adorable, minuscule et lumineuse comme cela. Avec ses cheveux roses vifs et l'énergie qu'elle semblait dégager, elle ne pouvait que se faire remarquer, et faire fondre le coeur de toute personne à qui elle adressait la parole. Du moins, c'était ainsi que résonnait la satyre blonde tout en se relevant et prenant dans sa main son niterlocitrice avant de la poser sur la table. Ce serait plus simple de la sorte pour parler. Car l'abreuveuse aimait parler.
Regardant à nouveau la petite silhouette en face d'elle, Kalika s'inclina avec grâce, avant d'aller chercher une chope et une tasse adaptée à la taille de son interlocutrice. Si la sienne était pleine de vin de baies et châtaignes, celle de la petite créature en face d'elle l'était d'une infusion de miel et cassis.

_ Tiens, cela te fera sûrement du bien de boire un peu. C'est une infusion de cassis et de miel. Je suis navrée d'avoir attiré ton oiseau, j'espérais attirer des clients en chantant, mais cela n'a guère fonctionné. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi, j'ai la carte la plus diversifiée du Festival... cela me vexe grandement, il me faut l'admettre.

Prenant une gorgée de son vin, Kalika la garda un moment en bouche, profitant des arômes fruités de la boisson, avant de reprendre la parole.

_ Je me nomme Kalika, alias Chope-Alerte, et suis abreuveuse à Dyonisiak. Et toi, qui es-tu ? Comment se fait-il que tu te trouves seule ici ?

C'était vrai que la question se posait. Il était facile de se rendre compte que la petite fille aux cheveux roses en face d'elle n'était pas adulte, et était encore assez jeune. Aussi la satyre ne comprenait-elle pas. Avait-elle perdu ses parents dans la foule du Festival ? Etait-elle orpheline ?

Eldin regarda, surprise, la satyre s'éloigner, et revenir avec des tasses. Elle regarda l'infusion avec gourmandise, les yeux plus pétillants que jamais, et remercia grandement la satyre. L'arôme à lui seul envoûtait la petite gnomette. Elle la goûta du bout des lèvres, écarquilla les yeux et en but une gorgée goulument, tout en tentant d'en profiter le plus possible. N'ayant jamais goûté aux boissons satyres et ne les connaissant que de rumeurs, elle ne s'éttendait pas à si bon, et elle était réellement agréablement surprise. Elle leva les yeux vers la satyre, l'écouta attentivement, tenta de se mettre dans la peau de la satyre.

C'est compréhensible. Le fait que vous vous sentiez vexée, s'entend. Ce qui me paraît inconcevable, c'est que vous n'ayez pas plus de clients ! Les gens sont-ils fous ? quant à mon oiseau, vous n'y êtes pour rien dans son atterrissage maladroit, et c'est sans doute la plus censée des choses que de s'arrêter pour venir vous écouter chanter !

Elle souriait, sincère et heureuse. L'infusion la remettait d'applomb, et son goût était tel qu'Eldin ne voulait plus se séparer de sa tasse. Elle hocha la tête.

Enchantée. Vous devez avoir plus de clientèle là-bas, non ? Moi c'est Eldin. Mais on m'appelle plus souvent Louve

La question se serait forcément posée, mais Eldin ne put empêcher ses yeux de se plonger dans un vide triste. Elle soupira, secoua la tête comme pour en chasser les bribes de mauvais souvenirs.

Mon frère est mort et j'ai perdu mes parents en voyage. Je suis un peu perdue en fait... Je ne sais pas trop où je dois aller.

Elle retrouva son sourire, haussa les épaules d'un air de dire "c'est la vie!" et but une nouvelle gorgée de son infusion.

Je suis sûre que vous allez avoir du monde, petit à petit. Il faut juste que les gens vous aperçoivent, que certains viennent boire et qu'ils en parlent autour d'eux. Je suis sûre que vous serez bientôt débordée par le travail que vous donnerons tout ces clients !

Kalika acheva sa chope et prit le temps d'observer la créature en face d'elle, d'un regard calme et compréhensif où nulle pitié ne se lisait. Un tel sentiment ne serait d'aucune utilité à la petite fille qui buvait avec bonheur l'infusion. Elle semblait l'apprécier, et cela faisait grand plaisir à la satyre blonde, qui se leva et abandonna sa compagne le temps de servir du vin de l'année à deux lutins. Elle obtint en échange assez pour pouvoir achever de payer la location, et en était ravie : si elle comptait tout le temps passé ici, elle n'aurait aucune perte. Certes, pas de bénéfices net, mais suffisamment por se faire une réputation et compenser ses frais, et rien que cela la rendait heureuse et la faisait fredonner doucement.
Se rasseyant face à la fillette, elle l'observa attentivement avant de décider que c'était une gnomette, même si elle n'avait pas de chapeau : son entente avec l'oiseau fournissait à elle seule une preuve suffisante pour pouvoir déduire quel était son peuple. Un mince sourire éclaira ses lèvres tandis qu'elle s'accoudait et fixait Eldin dans les yeux.

_ En ce cas, pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas ? Pour rentrer à Dionysiak, je dois traverser une part non négligeable de Faery. Ainsi, peut-être pourrons-nous retrouver tes parents, et si ce n'est pas le cas, les clients de ma taverne devraient faire part à nombre de personne qu'une taverne où travaillent ensemble une satyre et une petite gnomette existe à Dionysiak. Mais, bien sûr, rien ne t'oblige à accepter !

Se relevant le temps de nettoyer avec vivacité les chopes des lutins et la sienne, elle chantonna un moment les yeux fermés avant d'adresser un clin d'oeil mutin à sa minuscule amie. Louve lui portait chance, elle avait eu plus de client depuis son arrivée.

Eldin regardait la satyre, toujours de ce regard émerveillé et admiratif qu'elle lui réservait. Elle lui était reconnaissante. Pour la boisson, et pour le regard où on ne lisait pas la pitié exagérée que la gnomette était désormais habituée à recevoir. Elle regarda Kalika se lever pour servir de nouveaux clients! Les affaires commençaient à fructifier ! Pendant que la satyre servait les lutins, Eldin descendit sans bruit de son siège, et posa sur le comptoir une petite plume de l'oiseau bleu. C'était peu, mais elle espérait pouvoir ainsi payer son infusion de la façon la plus juste qu'il soit. Elle se rassit tout aussi discrètement, et juste à temps ! Car la satyre se rasseyait déjà. Eldin lui offrit un sourire joyeux. Sourire qui s'agrandit à la proposition de l'abreuveuse. La petite gnomette se leva d'un bond et tapa énergiquement dans ses petites mains avec cet enthousiasme que l'on ne retrouve que chez les petits enfants. Elle regardait la satyre avec un mélange d'incrédulité et d'espoir.

Est-ce vrai ? Vous m'accepteriez dans votre taverne ? Ce serait génial !

Eldin regarda la satyre se lever de nouveau pour nettoyer les trois chopes, et l'écouta chanter, jetant malgré tout un regard à son oiseau qui, plus loin, sautillait joyeusement. Eldin était sûre qu'il était heureux d'avoir laissé une de ses plumes à la satyre comme paiement. La mélodie détendait la gnomette, qui ne se posait plus aucune question, et semblait être enfin sortie de sa période sombre. Elle sourit à sa nouvelle amie et patronne, et alla glisser quelques mots à l'oiseau, le remerciant pour son aide. Elle ne repartait pas tout de suite.

Toujours souriante, Kalika approuva tranquillement à la question de la gnomette. Elle était attendrissante dans sa joie, son espoir, et la satyre se promit de lui ménager un espace à elle dans sa tente, elle avait largement la place.
Prenant la plume, elle la glissa dans sa chevelure blonde les yeux pétillants dun rire contenu, puis reprit son sérieux, commençant à expliquer ses tâches à son amie afin qu'elle ne soit pas perdue.

_ Je suis parfaitement sérieuse. Si tu es d'accord, tes tâches cosisteront à m'aider à faire le service, en portant leurs consommations aux lutins et gnomes puisque vous avez à peu prés la même taille, et à me prévenir quand certains clients seront trop éméchés.
Tu pourras également m'accompagner quand j'irais refaire mes stocks, si tu veux !
Pour le logement, je te ménagerais un espace personnel dans ma tente, elle est bien assez grande.
Qu'en dis-tu ?

Elle observait avec attendrissement le comportement d'Eldin, se rappelant au passage quelques moments de son enfance où elle réagissait de la sorte, avant d'éclater de rire. louve semblait siheureuse que sa bonne humeur était communicative, et elle espérait bien qu'elle ne se tarrisse pas avant longtemps. Quitte à l'enivrer de temps à autre pour éviter des baisses de tonus...